Ressortissants algériens : droit au séjour après 10 ans
Les ressortissants Algériens peuvent se prévaloir des stipulations du 1° de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, qui prévoient que le certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit « au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d’étudiant ».
Il s’ensuit qu’un ressortissant Algérien, même s’il réside sans titre sur le territoire, peut prétendre à l’obtention d’un certificat de résidence. Encore faut-il, évidemment, justifier de ces dix années de présence.
Justifier 10 ans de présence en France
D’abord, l’administration « ne saurait utilement invoquer la circonstance que, […] aucune pièce n’émane d’une administration publique dès lors que les autres pièces sont suffisamment nombreuses et diverses pour que la résidence habituelle en France de M. X puisse être regardée comme établie depuis plus de dix ans à la date de l’arrêté attaqué » (TA Paris, 26 novembre 2013, n° 1311192).
Autrement dit, tout type de pièces peut permettre d’établir cette durée.
Il suffit que l’intéressé présente « des pièces suffisamment nombreuses et probantes » (cf. par exemple TA Paris, 28 mai 2013, n° 1301083) pour attester de sa présence depuis plus de dix ans.
Il n’est pas exigé de pouvoir « à justifier de sa présence sur le territoire français mois par mois » (TA Paris, 13 septembre 2016, n° 1607830).
Des “trous” d’un semestre sont mêmes admissibles (cf. par exemple TA Paris, 28 juillet 2016, n° 1605374).
Dans l’idéal, il est recommandé de collecter au moins une pièce par trimestre.
Il faut relever que toutes les pièces n’ont pas la même valeur probante : un document administratif “vaudra plus” qu’une simple preuve d’achat d’un titre de transport.
L’essentiel est de fournir “de très nombreuses pièces d’origine différente”, comme des “attestations d’admission à l’aide médicale d’État, des pièces médicales” ou encore “des factures de téléphone ainsi que des courriers qui lui sont adressés” (CAA Paris, 13 février 2015, n° 14PA03043).
On pensera également aux “pièces émanant d’autorités officielles”, à “un certificat de vaccination et un relevé d’opération de transfert de fonds effectuée en France”, aux classiques “avis d’imposition, des relevés d’opérations bancaires effectuées régulièrement en France, ainsi que, pour les années 2004 à 2008, des documents relatifs à une carte Navigo intégrale”(TA Paris, 10 décembre 2008, n° 0813877) ou encore - évidemment - aux « des fiches de paie » (TA Paris, 14 juin 2012, n° 1205145), « relevés d’épargne salariale, des factures téléphoniques, un relevé bancaire émanant de la banque postale et des ordonnances médicales dont certaines comportent la mention de délivrance des médicaments », ainsi que des « pièces probantes telles que des bulletins de paie, des documents administratifs et médicaux, des relevés bancaires, des avis d’imposition comportant des revenus et des attestations d’admission à l’aide médicale de l’État » (TA Paris, 24 octobre 2012, n° 1211803).
Les feuilles de soins, courriers administratifs, quittances de loyer, factures d’électricité, de gaz, contrats d’assurances, courriers émanant d’associations, transferts d’argent signés, inscriptions en club de sport sont autant de documents probants (CAA Paris, 1re ch., 4 juill. 2013, no 12PA04798 ; CAA Versailles, 2e ch., 15 oct. 2015, no 15VE01349 ; CAA Paris, 6e ch., 26 oct. 2015, no 15PA01705 ; CAA Douai, 2e ch., 23 oct. 2015, no 14DA01704 ; CAA Paris, 8e ch., 18 avr. 2017, no 16PA01635 ; CAA Marseille, 6e ch., 11 sept. 2017, no 17MA00553).
Les périodes exclues du décompte de la « résidence habituelle en France »
Si de « courts séjours » à l’étranger (CE, 14 janvier 2002, n° 224501), s’ils sont justifiés par des circonstances exceptionnelles (mariage par exemple), ne font pas nécessairement obstacle à ce que sa présence habituelle en France soit reconnue, en revanche, les « longs séjours » interrompent la durée de présence habituelle.
De la même manière, les années passés en détention n’entrent pas dans le décompte d’une « résidence habituelle » (CE, 6 mai 1988, n° 74507 ; CE, 11 juillet 2018, n° 409090).
Pour le juge administratif en effet, les périodes d’incarcération en France ne peuvent être prise en compte dans le calcul d’une durée de résidence (qu’il s’agisse d’examiner la durée de résidence en France d’un Algérien sollicitant un certificat de résidence d’un an ou encore la condition de résidence habituelle protégeant de l’expulsion visée à l’article L. 631-3 du CESEDA).
Le raisonnement sous-jacent est que « pour être pris en compte, le temps passé en France doit résulter d’un choix délibéré de l’étranger, y compris en infraction avec la législation sur les étranger, et non être subi comme c’est le cas s’agissant de la détention » (conclusions de M. Guyomar sur CE, 26 juillet 2007, n° 298717).
Et c’est pourquoi, suivant cette logique, l’étranger qui se maintien sur le territoire alors qu’il fait l’objet d’une interdiction de retour sur le territoire démontre une volonté de se maintenir sur le territoire et doit donc être pris en compte dans le calcul de la durée de résidence habituelle. La solution ne vaut pas, en revanche, en cas d’interdiction de territoire prononcée par le juge pénal (CE, 26 juillet 2007, n° 298717).
En définitive, le ressortissant Algérien qui séjourne en France en situation irrégulière, sous le coup d’une OQTF, voire d’une IRTF, doit être considéré comme résidant de manière habituelle en France pour le calcul de la durée prévue à l’article 6, 1° de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Il pourra donc prétendre à un certificat de résidence d’un an mention « vie privée et familiale » dès lors qu’il justifie « par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d’étudiant ».
Notons toutefois que le maintien irrégulier sur le territoire expose l’intéressé à des poursuites pénales (article L. 824-3 CESEDA).